Contrairement à la version initiale, le texte a été fortement remanié et statue en faveur d’une protection renforcée des indications géographiques. Explications par la Cnaoc.
Pourquoi la Commission européenne a souhaité réformer les IG ?
La Commission européenne avait
proposé dès 2022 un texte portant réforme des indications géographiques (IG). Le
projet initial présenté avait notamment pour objectif de transférer la
compétence de la gestion des Cahiers des charges des Indications Géographique à
l'office des marques européen, l'EUIPO, une agence de l’Union chargée de la
propriété intellectuelle. La Commission souhaitait également harmoniser les
règles entre la réglementation viticole et celle prévue pour les autres denrées
alimentaires. Autrement dit, la viticulture aurait perdu les dispositions
spécifiques viticoles dont elle bénéficiait dans le cadre de l’OCM.
Actuellement, la gestion des
IG viticoles relève de la Direction générale de l’agriculture européenne, qui
gère, entre autres, la politique agricole commune. Cet organisme présente
toutes les compétences pour comprendre et accompagner la singularité des
indications géographiques : en 2023, on comptait 3552 dénominations
géographiques européennes enregistrées dont 1656 pour les vins et 262
dénominations de boissons spiritueuses.
« Au sein de
l’Union européenne, environ 65 % de la production de vin est sous indication.
Et pour certains pays comme pour la France, cela monte jusqu’à 90 %. Ceci
illustre la singularité des indications viticoles, il est ainsi important de
préserver la relation entre une institution spécialisée et la gestion des
appellations par les syndicats de producteurs. » explique
Jérôme Bauer, Président de la Cnaoc.
Or, ces dernières années, la
Commission européenne a pris du retard sur les modifications des Cahiers des
charges et souhaitait déléguer cette gestion à un organisme extérieur.
À travers ce règlement révisé, l'Union européenne a cherché à promouvoir les IG
auprès des États membres qui en font encore peu usage.
Concrètement, qu’est-ce que la filière a réussi à éviter ?
« Le secteur des
vins d’appellation n’a pas demandé cette réforme. Le risque aurait été de voir
nos AOC ou IGP gérées comme de simples marques alors que nos Appellations nécessitent
un cadre juridique particulier. Chaque modification de ces Cahiers des charges
aurait pu être payante à terme ! Nous nous sommes opposés à cette gabegie.
Notre savoir-faire doit être protégé » souligne
Jérôme Bauer, Président de la Cnaoc.
Le changement de doctrine n’auraient
fait que procurer de l’instabilité juridique, nuisant à la compréhension des
textes et ne sont pas sans entraîner des risques importants d’erreurs au moment
des changements de référence réglementaire ou d’interprétation des textes. Pour
illustrer ce risque, il est à noter que régulièrement des ODG européens sont
confrontés aux lacunes de l’EUIPO lors de recours pour des enregistrements de
marques qui évoquent le nom de leur indication.
Face à ce constat, la CNAOC avec
l’EFOW ont immédiatement interpellé les parlementaires européens, nationaux et
le ministère de l’Agriculture. Grâce aux nombreux courriers adressés et à la
mobilisation de toutes les fédérations régionales, les parlementaires et le
ministère se sont massivement opposés au texte.
Le texte dans sa version
adoptée a finalement permis de renforcer les IG, pourquoi ?
L’investissement de la
filière a permis la modification du texte, passant d’un danger pour la filière
à un renforcement des signes de qualité (AOC, IPG et boissons spiritueuses).
Le texte voté le 24 octobre
2023* garantit désormais le maintien des spécificités du secteur vitivinicole. Il
s’agit du "paquet vin" qui regroupe la définition des appellations,
les dispositions relatives aux Cahiers, à l’homonymie, les règles de contrôle
ou encore celles concernant l’étiquetage. Nous avons réussi à
maintenir notre fonctionnement actuel sur le modèle existant de groupes de
producteurs (ODG).
Par ailleurs, une définition
extensive de la durabilité est proposée et intègre désormais le volet social et
économique en plus de l’environnement. Cela permettra aux IG de valoriser plus
largement leurs actions en faveur de la durabilité.
En termes de défense, la
protection des produits sous IG utilisés en tant qu’ingrédients s’est vue
renforcée et les Etats membres se sont vu reconnaître, pour la première fois, la
capacité de géo-bloquer les sites web utilisant abusivement des IG.
Enfin, le texte définit
également clairement les compétences des États membres et des institutions
européennes en ce qui concerne la gestion du système IG et des Cahiers des
charges. Les Etats conservent ainsi la protection des dénominations des IG. La
Commission conserve quant à elle son rôle dans l'enregistrement, la
modification et l'annulation de tous les enregistrements.
Il faut noter qu’une
déclaration politique est annexée à la réforme. Dans les faits, elle oblige la
Commission européenne à divulguer chaque année l'aide extérieure qu'elle peut
recevoir dans le cadre de ses tâches administratives. Cela l’obligera à agir
avec plus de transparence vis-à-vis des Etats membres.
*Un
vote final pour confirmer ce texte est attendu en février : Le comité
spéciale agriculture au Conseil a aussi donné son accord sur cette version du
texte. Le vote en plénière au Parlement européen et le Conseil des Ministres du
mois de février devraient confirmer ce règlement.
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